Sainte Catherine de Sienne

Publié le par jean

                                            Je vais répondre maintenant, à la demande que tu m'as faite, concernant les ministres de la sainte Eglise. Pour mieux connaître la vérité, ouvre l'oeil de ton intelligence et contemple leur excellence, et la dignité a laquelle je les ai élevés. Comme l'on comprend mieux une chose par son contraire, je veux te montrer la dignité de ceux qui administrent dans la vertu, le trésor que j'ai mis entre leurs mains. Par là tu verras davantage la misère de ceux, qui aujourd'hui se nourrissent au sein de cette épouse.
A qui laissa-t-il les clefs de ce Sang? Au glorieux apôtre Pierre et à tous les autres qui sont venus et qui viendront après lui jusqu'au dernier jour du jugement. Tous ont donc et auront la même autorité que Pierre, et aucune de leurs fautes n’ amoindrira cette autorité, ni n'affaiblira la perfection du Sang ou des autres sacrements. Car, je te l'ai déjà dit, aucune tache ne peut ternir ce Soleil, ni sa lumière ne peut être obscurcie par les ténèbres du péché mortel, qui se trouvent en celui qui l'administre ou en celui qui le reçoit. Leur faute ne peut nuire en rien aux sacrements de la sainte Eglise, ni amoindrir leur vertu. Tout ce qu'elle peut, c'est de diminuer la grâce ou d'aggraver la culpabilité, en celui qui les administre et en celui qui les reçoit indignement.
Ainsi, mon Christ sur terre tient les clefs du Sang. S'il t'en souvient bien, je t'ai manifesté cette vérité par une allégorie, lorsque je voulus te faire comprendre, quel respect les séculiers doivent porter à mes ministres, qu'ils soient bons ou mauvais, et combien ils m'offensaient par leurs irrévérences, Je te montrai, tu le sais, le corps mystique de la sainte Eglise, sous la forme d'un cellier qui renfermait le sang de mon Fils unique; c'est ce sang qui fait la valeur de tous les sacrements, qui ne contiennent la vie que par la vertu du Sang.

A la porte de ce cellier était mon Christ en terre, à qui était confiée l'administration du Sang. A lui il appartenait d'établir des ministres, pour l'aider à distribuer ce sang au corps entier de la Religion chrétienne. Celui qui était agréé et sacré par lui était institué ministre, les autres, non. C'est de lui qu'est issue toute la hiérarchie cléricale, et c'est lui, qui assigne à chacun son office, pour la dispensation de ce glorieux sang.

Comme c'est lui qui établit ses auxiliaires dans leurs fonctions, c'est à lui aussi qu'il appartient de les corriger de leurs fautes. Et je veux qu'il en soit ainsi. A raison del'excellence et de la dignité dont je les ai revêtus, je les ai tirés de la servitude, je veux dire que je les ai affranchis de la domination des princes temporels. La loi civile n'a rien à faire avec eux, elle n'a pas à intervenir pour leur répression. Ils ne relèvent que de celui qui a pouvoir pour gouverner et administrer dans la Loi de Dieu. N'allez pas toucher à mes christs! Le plus grand malheur où puisse tomber un homme, c'est de s'en constituer le justicier [21].
Et donc, ce n'est pas à eux, c'est à Moi que va cet hommage de respect, et à ce glorieux Sang qui est une même chose avec Moi, par l'union de la nature [22] divine et de la nature humaine. c'est à Moi que va le respect, c'est à Moi aussi que s'adresse l'irrévérence. Je te l'ai déjà dit, vous ne leur devez pas d'égards particuliers, pour eux-mêmes, mais à cause de l'autorité dont je les ai investis; et, pareillement, en les offensant, ce n'est pas eux qu'on offense, c'est Moi-même. C'est ce que j'ai interdit, par ces mots Ne portez pas la main sur mes christs (Par. 16,22). Non: Je ne le veux pas.

Qu'on ne s'excuse point en disant : " Je ne fais pas injure à la sainte Eglise, je ne me révolte pas contre elle, je n'en ai qu'aux vices des mauvais pasteurs. " Qui parle ainsi ment sur sa tête. Son amour-propre l'aveugle, et l'empêche d'y voir clair, ou plutôt, il voit bien, mais fait semblant de ne pas voir, pour étouffer les reproches de sa conscience. S'il était sincère, il verrait bien, et même, il voit bien que ce ne sont pas les hommes qu'il persécute, mais le Sang de mon Fils. A Moi l'injure, comme à Moi le respect! Et donc à Moi aussi, tous les dommages, tous les mépris, tous les affronts, toutes les opprobres, toutes les réprobations dont mes ministres sont l'objet. Je considère comme fait à Moi-même tout ce qui leur est fait. Je l'ai dit et je le répète : Je ne veux pas que l'on touche à mes christs!-- C'est à Moi seul de les punir.
Si un homme, crasseux et mal vêtu, vous apportait un grand trésor qui vous rendrait la vie, sans aucun doute, par amour du trésor, et aussi du seigneur [50] qui l'envoie, vous feriez bon accueil au commissionnaire, nonobstant sa crasse et ses haillons. Son extérieur vous déplairait bien, mais, vous vous emploieriez, par amour pour son seigneur, à le laver et à l'habiller de neuf. C'est votre devoir d'en agir ainsi, suivant l'ordre de la charité, et je veux que vous traitiez de cette manière, mes ministres dont la vie est trop peu réglée. Malgré leur impureté et leurs vêtements en lambeaux, déchirés par tous les vices, depuis qu'ils sont séparés de ma charité, ils ne laissent pas que de vous apporter de grands trésors, par les Sacrements de la sainte Eglise, où vous puisez la vie de la grâce, si vous en approchez dignement. Vous devez donc les honorer, quels que soient leurs défauts, pour l'amour de moi, le Dieu éternel, qui vous les envoie, et par amour de la vie de la grâce, que vous trouvez dans ce trésor, qui contient le Dieu-Homme tout entier, le corps et le sang de mon Fils, unis à ma nature divine. Votre devoir est de déplorer et de détester leurs fautes, et de vous employer avec charité, par la sainte prière, à leur procurer un habit neuf, et à laver dans vos larmes leur souillure. Oui, c'est là ce que vous devez faire : offrir devant moi, pour eux, avec larmes et grand désir, vos saintes prières, pour que je les revête, par ma Bonté, du vêtement de la charité.
L'amour-propre a empoisonné le monde et le corps mystique de la sainte Eglise ; il a couvert de plantes sauvages et de fleurs fétides le jardin de l'Epouse. Ce jardin fut bien planté au temps où il était cultivé par de vrais jardiniers, mes ministres saints: il était tout orné de fleurs embaumées. Les chrétiens ne menaient pas une vie criminelle sous la conduite de ces bons pasteurs; elle était honnête, vertueuse et sainte.

Il n'en est plus ainsi, aujourd'hui. Les sujets sont mauvais, parce que mauvais sont les pasteurs. Cette malheureuse Epouse est environnée d'épines de toutes sortes, par tous les péchés qui se commettent. Non, en vérité qu'elle puisse être elle-même atteinte par la corruption du péché, et que la vertu des Sacrements puisse en subir aucun amoindrissement, mais ce sont ceux qui se nourrissent au sein de l'Epouse, qui reçoivent la corruption dans leur âme, en y perdant la dignité à laquelle je les avais élevés. En réalité, ce n'est pas cette dignité qui subit en elle-même une déchéance, mais ils la font mépriser en eux. Leurs crimes avilissent ainsi le Sang, car les séculiers n'ont plus pour eux le respect qu'ils leur doivent à cause du Sang. Ils n'y sont pas [60] moins tenus toujours, et s'ils y manquent à cause des fautes des pasteurs, leur péché à eux n'en est pas moins grand. Cependant, ces malheureux sont des miroirs, d'iniquité, alors que je les avais choisis pour être des miroirs de vertu [61].
Hélas! ma douce fille, où est-elle l'obéissance des religieux? Établis dans la sainte religion comme des anges, ils sont pires que des démons. Ils avaient pour fonction d'annoncer ma parole, suivant la doctrine de Vérité, et ils ne font qu'un vain bruit de mots, sans produire aucun fruit dans le coeur des auditeurs. Leurs prédications sont faites, pour plaire aux hommes ct charmer leurs oreilles, beaucoup plus que pour l'honneur de Moi. Aussi s'appliquent-ils, lion à vivre saintement, mais à polir leurs phrases. Ce n'est pas ceux-là, vraiment qui sèment mon grain, le bon grain de ma Vérité, parce qu'ils ne se préoccupent pas de détruire les vices et de faire éclore les vertus. Ils n'ont point arraché les épines de leur propre jardin, comment s'emploieraient-ils à les faire disparaître de celui de leur prochain!

Il en est d'aveuglés à ce point par le démon, que souvent ils font semblant de consacrer et ne consacrent pas, par crainte de mon jugement, et pour s'enlever tout frein qui pourrait encore les retenir dans leurs mauvaises actions. Le soir, ils ont mangé et bu plus que de raison, puis le matin, ils s'arracheront à leurs impuretés, il leur faudra satisfaire au service du peuple. Le souvenir de leurs fautes les arrête, ils voient qu'en bonne conscience ils ne doivent ni ne peuvent célébrer en cet état. Ils éprouvent quelque crainte de mon jugement, non par haine du vice, mais par l'amour-propre qu'ils ont pour eux-mêmes. O ma très chère fille, vois quel est l'aveuglement de ce prêtre! Au lieu de recourir à la contrition du cœur et de regretter sa faute, avec le ferme propos de s'en corriger, il s'arrête à un autre moyen, il ne consacrera pas! Aveugle qu'il est, il ne voit pas, que le mal qu’il se dispose à accomplir est plus grave encore que celui qu'il a déjà commis! Il va rendre le peuple idolâtre, en proposant à ses adorations une hostie non consacrée, comme si elle était le corps et le sang du Christ mon Fils unique, vrai Dieu et vrai homme! C'est ce qu'elle est, une fois consacrée, mais en cette circonstance elle n'est vraiment que du pain.
Mais que doit faire le peuple pour éviter ce péril? Il doit prier sous condition en formulant ainsi sa prière : "  si ce ministre a dit ce qu'il devait dire, je crois vraiment que vous êtes le Christ Fils du Dieu vivant qui m'est donné en nourriture par l'ardeur de votre incompréhensible charité, en mémoire de votre très douce passion et du grand bienfait du Sang répandu avec un si ardent amour pour laver nos iniquités. " De cette façon, le peuple ne sera pas trompé par l'aveuglement du ministre, en adorant une chose pour une autre. La faute, en vérité, en est au seul ministre, mais les fidèles n'en seraient pas moins induits à faire un acte défendu Tes oreilles ne pourraient entendre toutes les iniquités que commettent ces membres du démon.Je leur ai confié la charge de chanter et de psalmodier, la nuit, l'office divin. Eux, au contraire, recourent aux maléfices et aux incantations démoniaques pour que le démon leur procure, la nuit, la visite de ces créatures qu'ils aiment si bassement. Et ils croiront qu'elles sont venues; mais ils sont le jouet d'une illusion.
Non que, en vérité. la dignité du sacerdoce puisse être accrue ou diminuée, en elle-même, par les mérites ou les fautes personnels des prêtres; mais les vertus n'en sont pas moins une parure, dont ils peuvent orner leur âme et ajouter ainsi à la beauté qu'elle a reçue dès son origine, quand je la créai à mon image et ressemblance très chère fille, je l'avais placé, ce prêtre, sur le pont de la doctrine et de ma Vérité, pour qu'il vous administrât à vous, les voyageurs, les sacrements de la sainte Eglise. Et le voilà qui est [113] descendu en dessous du pont, il est entré dans le torrent des plaisirs et des misères du monde. C'est là qu'il exerce son ministère, sans s'apercevoir que le flot de la mort va le prendre et l'emporter avec les démons, ses maîtres, qu'il a si bien servis. Il se laisse ainsi aller, sans résistance, au fil de l'eau, dans le courant du fleuve. S'il ne s'arrête, c'est à l'éternelle damnation qu'il va, avec tant de charges et d'accusations contre lui, que ta langue ne le pourrait dire. Plus lourde est sa responsabilité que celle de tout autre. Aussi, la même faute est-elle punie plus sévèrement en lui que dans les hommes du monde. Plus impitoyable aussi est l'accusation que ses ennemis font peser sur lui, quand, au moment de la mort, ils se dressent pour lui reprocher sa vie, comme je te l'ai dit [114].
Et les âmes qui t'étaient confiées! la charité que [128] tu leur devais, l'obligation qui t'incombait de les élever dans la vertu, en leur donnant l'exemple d'une vie sainte, en les façonnant par la main de la miséricorde et la verge de la justice! C'est le contraire que tu as fait, et ta conscience t'en accuse, en

présence de cette horrible apparition des démons. Et toi, prélat! Si tu as conféré des prélatures ou des charges d'âmes a quelqu'un de tes inférieurs, en dehors du droit; si tu n'as pas considéré, à qui et comment tu les as données, la conscience te cite à son tribunal. Elle voit clairement, aujourd'hui, pour quels motifs tu les devais distribuer, ces charges. Il ne fallait pas te laisser prendre aux flatteries, ni chercher à plaire aux créatures, ni te laisser séduire par les présents : tu ne devais avoir égard qu'à la vertu, à l'honneur de mon nom et au salut des âmes. Tu ne l'as pas fait, et ta conscience te le reproche à cette heure, pour ton châtiment, pour ta honte. En pleine lumière d'intelligence, elle te dit ce que tu n'aurais pas dû faire et que tu as fait, ce que tu aurais dû faire et que tu n'as pas fait.
Ce n'est donc pas seulement leur âme, qu'ils souillent avec leurs impuretés, ils en emploi sonnent ceux qui leur sont confiés. Ils sucent le sang de mon Épouse, la sainte Eglise : elle en est devenue toute pâle et défaillante. L'amour et les [132] soins qu'ils devaient à cette Épouse, ils les ont reportés sur eux-mêmes ils n'ont de zèle que pour la dépouiller. Ce sont les âmes dont ils devraient être avides, et ils n'ont d'ambition que pour les prélatures et les gros revenus. Par leur mauvaise vie, ils ont provoqué le mépris des séculiers et leur désobéissance envers l'Église. Ce mépris et cette désobéissance ne laissent pas, néanmoins, d'être coupables, et la faute des séculiers n'est pas excusée par celle des ministres Je te dis derechef, que si grands que soient leurs péchés, et fussent-ils plus graves encore, je ne veux pas qu'aucun séculier s'arroge le droit de les punir. S'ils l'osent, leur crime ne demeurera pas impuni, s'ils ne l'expient par la contrition du coeur et ne reviennent à résipiscence. Les uns et les autres, mauvais ministres et persécuteurs sont des démons incarnés. C'est la Justice divine qui permet qu'ils entrent en lutte, et se châtient les uns les autres. Mais le crime du séculier n'excuse pas celui du prélat, ni le crime du prélat celui du séculier

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