Dialogue avec l’islam

Publié le par jean

 

Quel est  le dialogue avec l’islam voulu par Benoît XVI ?  IMG_0051.jpg

 Le pape l’a expliqué de la manière la plus limpide dans un passage du discours qu’il a adressé à la curie le 22 décembre 2006 à l’occasion de la présentation des voeux de Noël  :
"Dans un dialogue à intensifier avec l'Islam, nous devrons garder à l'esprit le fait que le monde musulman se trouve aujourd'hui avec une grande urgence face à une tâche très semblable à celle qui fut imposée aux chrétiens à partir du siècle des Lumières et à laquelle le Concile Vatican II a apporté des solutions concrètes pour l'Église catholique au terme d'une longue et difficile recherche.
 "Il s'agit de l'attitude que la communauté des fidèles doit adopter face aux convictions et aux exigences qui s'affirment dans la philosophie des Lumières.

 "D'une part, nous devons nous opposer à la dictature de la raison positiviste, qui exclut Dieu de la vie de la communauté et de l'organisation publique, privant ainsi l'homme de ses critères spécifiques de mesure.

 "D'autre part, il est nécessaire d'accueillir les véritables conquêtes de la philosophie des Lumières, les droits de l'homme et en particulier la liberté de la foi et de son exercice, en y reconnaissant les éléments essentiels également pour l'authenticité de la religion.

 "De même que dans la communauté chrétienne, il y a eu une longue recherche sur la juste place de la foi face à ces convictions - une recherche qui ne sera certainement jamais conclue de façon définitive - ainsi, le monde musulman également, avec sa tradition propre, se trouve face au grand devoir de trouver les solutions adaptées à cet égard.

 "Le contenu du dialogue entre chrétiens et musulmans consistera en ce moment en particulier à se rencontrer dans cet engagement en vue de trouver les solutions appropriées. Nous chrétiens, nous sentons solidaires de tous ceux qui, précisément sur la base de leur conviction religieuse de musulmans, s'engagent contre la violence et pour l'harmonie entre foi et religion, entre religion et liberté".


 - Il n’y a pas de trace dans la lettre des 138 de cette proposition adressée par Benoît XVI au monde musulman en décembre 2006. Signe que la distance entre les visions de l’un et des autres est réellement grande.

 La vision de Benoît XVI est la même que celle que d’autres autorités du Saint-Siège manifestent chaque fois qu’ils abordent ce sujet. Preuve en est, le message adressé aux musulmans en octobre dernier, à l’occasion de la fin du Ramadan, par le conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, présidé par le cardinal Jean-Louis Tauran. Un message qui est lui aussi centré sur "la liberté de la foi et son exercice" comme devoir de toutes les religions, conformément au "plan du Créateur". (Message du Président du Conseil Pontifical pour le dialogue interreligieux)

 C’est une vision que Ratzinger défend depuis des années avec une grande cohérence, d’abord en tant que cardinal puis en tant que pape.

 Le discours de Ratisbonne sur la juste "synergie entre foi et raison" en est la fondation la plus achevée.

 Mais c’est aussi dans la discussion que Benoît XVI avait eue en janvier 2004 à Munich avec le philosophe laïc Jürgen Habermas qu’il faut chercher les bases de sa conception du dialogue avec l’islam et les autres religions.

 A cette occasion, Ratzinger avait déclaré qu’un "droit naturel" de valeur universelle n’est en fait pas reconnu à l’heure actuelle par l’ensemble des cultures et des civilisations. Sur ce sujet, on constate des désaccords entre les unes et les autres et à l’intérieur de chacune d’elles. Mais il a montré la voie pour que "les normes et les valeurs essentielles que tous les êtres humains connaissent ou entrevoient" puissent être éclairées et "assurer l’unité du monde". Cette voie, c’est celle d’un lien positif entre raison et foi, "appelées à se purifier mutuellement" des pathologies qui les exposent toutes deux à la domination de la violence.

 Un grand chercheur a analysé avec beaucoup de lucidité la vision qu’a Benoît XVI de l’islam: c’est le juriste allemand Ernst-Wolfgang Böckenförde. Il a exposé son point de vue dans un essai paru cette année en Allemagne et traduit en italien par la revue "Il Regno".

 Böckenförde est en plein accord avec le pape quand il dit qu’en ce qui concerne la liberté de religion, l’islam est confronté au même défi que les chrétiens du temps des Lumières.

 L’Église catholique a répondu à ce défi, lors du Concile Vatican II, par la déclaration "Dignitatis Humanae" sur la liberté religieuse fondée sur les droits de la personne.

 Mais le monde musulman – s’interroge Böckenförde – est-il prêt à emprunter un chemin similaire ? Est-il prêt à reconnaître la neutralité religieuse de l’état et donc la même liberté pour toutes les religions au sein de l’état ?

 Les musulmans "de la diaspora", c’est-à-dire ceux qui vivent dans des pays européens et occidentaux où ils sont minoritaires, semblent disposés à cette reconnaissance. Preuve en est la déclaration adoptée en 2001 par le comité des musulmans d’Allemagne, qui affirme: "Le droit islamique oblige les musulmans qui vivent en diaspora à se conformer à l’ordre juridique local".

 Qu’en est-il là où les musulmans sont majoritaires et contrôlent l’état ? Böckenförde est sceptique. Il considère que, quand l’islam est en position de force, il est très loin d’accepter la neutralité de l’état et donc la liberté totale de toutes les religions.

 Böckenförde en est tellement convaincu qu’il conclut son essai par une hypothèse d’école: il imagine un pays européen dans lequel les immigrés musulmans seraient sur le point de constituer la majorité de la population.

 Dans ce cas – affirme le juriste allemand – ce pays a le devoir de fermer ses frontières. Pour des raisons d’autodéfense. Parce qu’un état séculier ne peut renoncer à ce "droit naturel" qui est son fondement: "un droit qui résulte de l’appartenance à un monde culturel fondé sur des éléments du monde classique, du judaïsme et du christianisme, mais revus dans l’optique des Lumières".


 - Quoi qu’il en soit, on trouve dans la pensée islamique d’aujourd’hui des positions "ouvertes à une rationalité tolérante", comme les a définies Ratzinger lors de son entretien avec Habermas en 2004.

 L’une de ces positions est mise en avant par le père Maurice Borrmans, ancien président du PISAI, dans le dernier numéro d’"Oasis", la revue multilingue – elle paraît notamment en arabe et en ourdou – créée par le patriarche de Venise, le cardinal Angelo Scola.

 Borrmans cite un chercheur tunisien résidant à Paris, Abdelwahab Meddeb. Celui-ci a commenté positivement les thèses de Benoît XVI dans un essai intitulé "Le Dieu purifié", inclus dans un ouvrage collectif publié en France: "La conférence de Ratisbonne: Enjeux et controverses".

 Il écrit notamment:

 "A Ratisbonne, le pape a voulu inciter les musulmans à effectuer un travail d’anamnèse pour qu’ils abandonnent la violence et qu’ils reviennent à l’articulation du logos que leurs ancêtres avaient connu, pour pouvoir l’élargir et l’approfondir".

 Après avoir rappelé que le grand philosophe Averroès (1126-1198) compte parmi les "ancêtres" d’un islam purifié par la raison, il poursuit ainsi:

 "C’est dans cette direction que doit revenir le musulman pour participer au grand logos, à son élargissement et à son approfondissement sur la voie de la purification qui neutralise la violence et qui instaure une sérénité éthique".

 

 

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